Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

314 CGORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

cour électorale est un ancien ami du baron de Besenval', qui, comme vous savez, a toujours publié qu’il devait la vie à Gilbert. Cet homme, dont j'ai oublié le nom, était à Paris pendant le procès, avait connu Gilbert à Dresde et venait quelquefois chez nous. Ces dames pourraient mander :

« Il y a trois mois que les membres du Directoire exécutif de la République, comptant sur l'effet des démarches déjà faites auprès de la cour de Vienne, nous avaient assuré que nous n'avions pas un instant à perdre pour aller embrasser nos époux au moment de leur délivrance. Si la bienveillaece de M£r l’archiduc Charles, dont nous serons éternellement reconnaissantes, lui avait donné le pouvoir de nous faire parvenir jusqu'à Vienne, il y a longtemps que nous aurions eu l'honneur de nous présenter à l’audience de S. M. I. et de suivre auprès de vous, Monsieur le baron, l'affaire de la liberté de nos époux. Mais, après avoir erré autour des frontières sans avoir eu la permission de les dépasser, nous nous sommes placées à Dresde, où, depuis deux mois, nous et nos filles attendons à chaque minute l’arrivée des objets de

1. Pierre, baron de Besenval, né à Soleure en 1722, commandait, le 12 juillet 1789, les troupes de Paris, sous la direction du maréchal de Broglie, qui préparait avec 40,000 hommes une attaque de l'Assemblée à Versailles. Après la charge de cavalerie du prince de Lambesc contre la foule massée dans le jardin des Tuileries, Besenval tint jusqu'au soir ses troupes dans les Champs-Élysées et les fit retirer. Sur l'ordre du roi, il s’échappa de Paris le 26 juillet 1789, mais fut arrèté à Villenauxe, près de Provins, le 27 juillet, ramené jusqu'à Brie, enfermé dans un vieux château fort jusqu'au 29 novembre, transféré au Châtelet et mis en jugement. Sa cause, comme celle de Lambesc, contumace, et celle de Favras, détenu aussi au Châtelet, fut jugée par l'ancien tribunal du Châtelet, mais La Fayette obtint pour lui la procédure du régime issu de la Révolution, communication des pièces, assistance de conseils, confrontations de témoins. Besenval déclare à plusieurs reprises dans ses Mémoires que c’est à cette intervention de La Fayette qu'il doit d'avoir été acquitté le 1er mars 1790.