Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

318 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

écrire à Paris, vous le savez mieux que nous. Nous désirons bien que les voyageurs vous portent d'ici quelque arrangement fait avec M. Cant pour avoir de vos nouvelles, que nous vous demandons alors bien détaillées. Dans toutes les courses qu’on aurait à faire à Vienne, à Udine, il nous semble que notre frère Charles! a beaucoup d'avantages ; il parle sûrement bien anglais ; il peut s'appeler sans mentir Charles Dufay, premier commis d’une maison de commerce anglaise. Le grand point, dans ce pays-ci où tout est formalité, est d’avoir un passeport en règle et de ne pas déguiser son nom. Au reste, je ne sais pourquoi nous entrons dans tous ces détails ; vous savez mieux que nous ce qu'il faut faire; vous connaissez aussi bien que nous le prix du temps, et vous êtes au moins aussi pressé que nous de la délivrance. Nous sentons bien que nous sommes entre deux dangers, celui de la rupture des négociations, qui, produisant nécessairement une grande aigreur, referme les tombeaux pour longtemps; et celui de la conclusion de la paix, qui, comme l’observe judicieusement Masclet en comparant la haine de ces gens-ci avec la lassitude de nos compatriotes et l'embarras des dissensions intérieures, pourrait bien les refermer pour toujours. Aussi les prisonniers feraient-ils tout au monde pour gagner vingt-quatre heures, excepté de compromettre leurs principes et leurs amis. Si vous connaissiez les détails alarmants et pressants qui ont été donnés depuis plusieurs mois, et surtout depuis quelques semaines, sur nos

1. Me de La Fayette, parlant ici au nom de César de La Tour-Maubourg (né en 1756, m. en 1831), désigne le frère de celui-ci, Charles (né en 1768, m. en 1850), qui épousa la fille ainée de La Fayette et fut aide de camp de Kléber. Les La Tour-Maubourg étaient seigneurs du Fay (Haute-Loire).