Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

CORRESPONDANCE INÉDITE 319

santés, et particulièrement sur la mienne et celle de ma fille ainée, détails qui, soit dit entre nous, sont fort exagérés, vous seriez effrayés de la barbarie de cette cour qui, ne pouvant en douter, aime mieux nous faire périr ici que de nous expédier les passeports. Quoique les détails dont je vous parle soient exagérés, puisqu'il s’y agit de notre mort très prochaine, il n’est pas moins vrai que la prolongation de ce séjour est bien mauvaise pour nous. Gilbert a repris, depuis la cessation de la chaleur, de la toux et de petits mouvements de fièvre. J'ai deux bras hypothéqués et enflés, sans que la plaie de mes jambes soit guérie. Anastasie a été incommodée par la même cause, mais elle est mieux à présent. Je suis fâchée que M. de Pusy parle trop à sa femme de sa bonne santé, parce qu'elle le trouvera changé; mais cependant il est assez bien en ce moment, ainsi que M. de Maubourg. Félix, qui s'était si bien soutenu pendant les premières années, est à présent le plus souffrant des prisonniers. Nous voudrions bien vous parler en détail du bon courrier que nous avons reçu de Hambourg; mais le temps et le papier me manquent. D'ailleurs vous savez si bien ce que nous pensons et ceque nous sentons, que nous devons avoir moins de regret à la précipitation avec laquelle je vous écris. Mille tendresses aux dames. Nous comptons les moments bien plus pour elles que pour vous. Leurs maris n’ont pas le temps d'écrire aujourd’hui, mais nous venons de recevoir un petit billet d'eux pour nous. Et vous jugez bien que quand je m’avise de leur conseiller d'écrire et de leur indiquer des phrases, ce n’est pas de ma tête que je donne ces avis-là. Je suis l'interprète du triumvirat prisonnier