Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

332 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

crates français et des chefs jacobins d'alors; [il devint nécessaire de temporiser, et cependant j'étais honteux d’avouer à des étrangers combien cela était nécessaire]. Mais je vous disais que, selon notre doctrine de liberté, vous pouviez avec confiance prévoir une prochaine suppression du commerce des esclaves et un affranchissement des noirs, que je désirais graduel. Comment, depuis, la mesure à été prise précipitamment', à quoi elle a abouti, vous l'avez vu; dans quelles intentions, Dieu le sait. L’anarchie, pour nous si détestable, a été pour nos adversaires un moyen favori. Je n'ai pas besoin de vous rappeler, tcher Monsieur], quelques-unes de mes [premières et catégoriques] assertions, que vous pensiez vousmême devoir charitablement combattre. C’est au moins une consolation que dans une [seule] colonie où l'émancipation graduelle avait été essayée depuis quelques années?, et où un esprit de douceur s'était répandu, la révolution noire n’a pas présenté les horreurs qui l'ont souillée ailleurs. Il reste aujourd’'hui pour mes compatriotes à guérir les blessures qui pouvaient être évitées, et à garantir à tous les colons, blancs et noirs, la jouissance de la liberté et de l’ordre légal.

J'ai le chagrin de voir que, d'autre part, votre Parlement est trop arriéré. Je suis bien loin d’accuser la nation [des actes parlementaires]; je sais distinguer. Mais je ne puis m'empêcher de déplorer que M. Pitt, qui, en toute autre question, est si régulièrement soutenu par les deux Chambres, ait été, en cette affaire, assez malheureux pour être régulière-

1. 16 pluviose an II, 2. La Fayette avait acheté cent quarante mille livres, en 1785, la plantation de Cayenne, Cf. lettre I.