Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

334 CORRESPONDANCE DE LA FAYETIE

LerrTre XLIII

La Fayette au citoyen Romeuf*.

Hambourg?, 11 thermidor an VI (29 juillet 98).

Je vois avec un vifregret, mon cher Louis, qu'aucune de mes lettres ne vous est parvenue”; elles ont commencé de venir à Paris le lendemain même de votre départ; il y en avait aussi de Maubourg; nos amis les auront ouvertes, et vous vous serez embarqué sans recevoir mes derniers, mes tendres vœux. Je vous félicite d'avoir été admis à la belle expédition de Bonaparte”; je le félicite d'avoir acquis deux patriotes et deux officiers tels que vous et votre frère, à qui j'avais écrit plusieurs fois et qui vous aura sûrement joint. Toutes vos lettres me sont ar-

1. Cette adresse est au bas de la première page. L'adresse de la lettre XLIV, mise par M"° de La Fayette, indique que Louis Romeuf et son frère Victor sont à Malle.

2. La Fayette venait de conduire de Hambourg jusqu’à Harbourg, sur l'Elbe, M° de La Fayette qui partait en France.

3. Une seule lettre antérieure à celle-ci est adressée à Louis Romeuf dans les Mémoires (IV, 412), à la date du 23 mai 1798.

4. Bonaparte avait quitté Paris le 3 mai 1798 avec son état-major, dont faisaient partie les deux Romeuf, pour rejoindre, à Toulon, la flotte de dix mille marins sous Brueys et trente-cinq mille hommes de l'armée d'Italie sous Desaix et Kléber. L'embarquement eut lieu le 19 mai, et le 9 juin on était devant Malte.

5. L'illusion de La Fayette est forte, La prise de Malte n’est pas un fait de guerre, mais un maquignonnage. L'ile élait aux chevaliers de SaintJean depuis la donation de Gharles-Quint en 1525, et le grand maitre La Valette en avait fait le siège de la police de la Méditerranée contre les Tures. Il n'y avait, en 1798, aucun grief de la France contre les propriétaires de l'ile, sauf l'asile accordé à quelques émigrés. La place était d'ailleurs imprenable. « 11 est heureux, dit Caffarelli, qu'il se soit trouvé quelqu'un dans Malte pour nous en ouvrir les portes, car sans cela nous n'y serions jamais entrés. » Le 10 juin, Bonaparte fit offrir au comte de Hompesh, grand maitre de l’ordre, une pension de 300,000 francs; celuici abdiqua et se retira à Trieste. Le jour même, Bonaparte installa dans l'ile, sous les ordres de Vaubois, une garnison qui s’y maintint jusqu'au 8 septembre 1800 sous le blocus de la flotte anglaise.