Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

CORRESPONDANCE INÉDITE 335

rivées; j'y ai reconnu votre esprit et votre cœur; ma confiance en vous est sans bornes comme ma tendre affection; j'aime à espérer, mon cher ami, que nous nous reverrons bientôt. Vous savez que je ne puis me croire établi nulle part, à moins que vous n'y soyez avec moi.

Toute l'Europe est, comme de raison, occupée de vos opérations et de vos projets. La campagne a bien commencé ; c'est un grand avantage que la possession de Malte; les étoiles que Nelson a pu consulter le cèdent à celle de votre prodigieux général; il faut être bien habile pour être toujours si heureux. Instruisez-moi de tout ce qu'il vous sera permis de mander. Mon cœur vogue avec vous; ilsera, malgré qu'on en ait, de l’expédition; que la liberté s’établisse partout où vous paraitrez, et qu'elle y soit fondée solidement sur la justice et la vertu, les seules bases vraiment républicaines.

Toute la colonie de Lehmkuhlen* est dispersée; Maubourg est à Ploën avec Victor, Amélie et les

1. Tout était remis au hasard dans cette expédition. Elle ne comporlait que treize vaisseaux de ligne et quatorze frégales, mais, avec les bâtiments de transport, il y avait près de cinq cents embarcations. Brueys a déclaré que dix vaisseaux de guerre anglais suffisaient pour jeter le désordre dans ce convoi et le détruire. Cela faillit arriver trois fois : en quittant Malte, le 19 juin; devant Candie, le 25; devant Alexandrie, le 29, Nelson étant passé sur ces points quelques heures avant ou après la flotte française. Nous primes Alexandrie le 1° juillet, et l’armée s’enfonca en Égypte. Mais la flotte ne pouvait s’abriter dans le port d'Alexandrie, trop peu profond, ni se défendre dans la rade d'Aboukir, trop ouverte, ni partir pour Corfou, faute de vivres et d’approvisionnements. Elle fut détruite dans la nuit du 1* août, et Nelson envoya bloquer Malte. — L'Angleterre a reconnu, comme La Fayette, l'avantage de posséder Malte, puisque, ayant promis, au {raité d'Amiens (1802), de l'évacuer, elle l'occupe encore depuis plus d’un siècle.

2. La Fayette s'était installé à Lehmkuhlen le 17 novembre 1797 jusqu'en avril 1798. Il vint alors à Wittmold, où eut lieu, le 8 mai 1798, le mariage de sa fille ainée, Anastasie, avec Charles de Maubourg.

3. De Latour-Maubourg, frère cadet du prisonnier d'Olmütz.