Entre slaves

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son cercueil, ce jeu peu dangereux au début prit un _ caractère funeste pour l'avenir du pays.

Le chef des libéraux, Karavelof, tempérament exalté, s'était taillé sa popularité à l'abri de celle dont jouissait son frère, un poète patriote.

Il personnifiait le pur bulgare, indemne de mélange européen. Que venaient faire ici ces conservateurs, ces intrus, à peine bulgares, qui prétendaient accaparer le pouvoir, entourer le Prince et gouverner avec lui la nation, trop jeune, d’après eux, pour jouir de la liberté parlementaire? Aïlons donc! Les Serbes, les Roumains, les Grecs possédaient depuis longtemps celte liberté, pourquoi les Bulgares en seraient-ils privés?

Karavelof, nourri de littérature slave, ne considérait pas non plus le danger russe pour la Bulgarie au même point de yue que ses adversaires politiques.

Il fut un de ces Bulgares réfugiés en Russie où ils avaient passé une partie de leur jeunesse qui, de retour dans la Bulgarie délivrée, constituèrent le parti libéral, en rapportant dans leur pays un bagage d'essence nihiliste; la fréquentation, dans les sociétés de Moscou et dans les écoles d'Odessa, de la jeunesse russe, l'influence de l’atavisme, avaient bien développé chez eux des sentiments de fraternité slave, mais en mème temps, ces jeunes bulgares, enthousiastes, n'avaient pas manqué d'épouser les idées philosophiques, politiques et sociales de leurs condisciples russes. |