Entre slaves

82 ENTRE SLAVES

Il cherchait, il est vrai, à soulever par moments le poids de la tutelle russe qui souvent annihilait sa dignité, mais plutôt sous le coup d'une révolte d’amour-propre personnel que sous celui d’une blessure faite à son nationalisme. Il croyait peu au patriotisme bulgare. Les divisions, dont il avait le triste spectacle sous les yeux, les défaillances des uns, les trahisons des autres, ces luttes haineuses dans lesquelles dominaient l’ambition la plus àpre. l'absence complète de désintéressement, lui enseignaient une morale politique peu propre à le rendre meilleur et à lui inspirer, à lui déjà sceptique de caractère, des principes fixes de conduite.

Des conseillers habiles, mais funestes pour lui, troublaient sa conscience et lui insinuaient deux questions : Comme prince de Bulgarie, pouvez-vous devenir gouverneur russe? Gouverneur russe, ètesvous encore prince de Bulgarie?

Et sa conduite flottait au gré de ce dilemme. Quand son amour-propre souffrait, il se réveillait prince de Bulgarie et se fâchait avec ses ministres russes. le reste du temps, il s’accommodait de son rôle plus ou moins effacé par les circonstances. Il se courbait même profondément devant le Tsar Alexandre TL. Il signait sa correspondante avec ce dernier des mols : votre lieutenant. Ce qui était assez significatif, mais sans résultat sur les dispositions arrètées du souverain russe à son égard.