Gentilshommes démocrates : le vicomte de Noailles, les deux La Rochefoucauld, Clermont-Tonnerre, le comte de Castellane, le comte de Virieu
LE COMTE DE CASTELLANE 22
sera triomphante; et ceux qui se souviennent lui rendront un suprême hommage.
De tels hommes honorent singulièrement ce que l’on appellerait anjourd’hui « leur monde ».
J’ajoute que d'ordinaire ils ont dans l'esprit quelque chose d’élevé, et qui plane ; c’est par l'esprit qu'ils vivent; celui-ci s’affine sous l’action des générosités natives. Nul plus que mon aïeul n’a subi cette douce loi. « M. de Castellane, a écrit un des témoins de sa vieillesse (1), gardait, dans son âge avancé, une mémoire incomparable. Personne n’a dit avec plus de naturel et plus de feu les vers de Molière, de Corneille et surtout de Voltaire. Il nous racontait volontiers qu'ayant passé quelques jours au château d’Accosta avec le prince de Talleyrand et Mr de Staël (2), une lutte de diction entre elle et lui avait rempli toute une soirée. Rentré après minuit dans son appartement, M. de Castellane entend du bruit, entr’ouvre sa porte et aperçoit dans le corridor Mme de Staël qui heurtait à la porte fermée de M. de Talleyrand : « Est-ce que VOUS trouvez vraiment que Castellane dit les vers mieux que moi? — Qui, oui, » répondait le prince de Talleyrand, avec son habituel sang-froid ; et sans ouvrir sa porte : « Faitesles vers, et que Castellane les dise. » .
La bonté descend en ligne directe de la générosité.
(4) Mémoires d’un royaliste, par le comte de Falloux, t. I, p. 32.
(2) Mn° de Staël passa à Accosta tout l'été de 4801. Ce fut là qu'elle composa son célèbre roman « Delphine ».