Gentilshommes démocrates : le vicomte de Noailles, les deux La Rochefoucauld, Clermont-Tonnerre, le comte de Castellane, le comte de Virieu

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mécaniques. C’est souvent chez eux, à leur foyer, qu'ils cousent les gants ou qu'ils ouvrent la soie; ils travaillent à la tâche; ils conservent une individualité au lieu d’abdiquer toute volonté. Un tel peuple doit être plus républicain que monarchique, sa constitution sociale étant une république d'intérêts. Dans un temps où le mot « république» n’est encore monté aux lèvres de personne, il se contentera d’être démocrate, c’est-à-dire son propre ami et son propre serviteur. Virieu est le reflet inconscient de cette tendance religieuse et démocratique du pays dont il est originaire; il porte en lui la marque dauphinoise: L’année 1788, durant laquelle il est initié à toutes les protestations, à tous les « désiderata » de sa province, va achever d'entrer dans son cerveau cette empreinte puissante. Le 10 mai 1788, le parlement de Grenoble est convoqué afin d'assister à l'enregistrement « manu militari » d’un édit royal. Cet édit bouleverse les institutions judiciaires du Dauphiné. Les petits bailliages sont supprimés. À la place, deux grands bailliages, celui de Valence et celui du Grésivaudan, investis du droit de juger en dernier ressort les affaires criminelles et les procès civils intéressant les membres du tiers état jusqu’à concurrence de vingt mille livres. Le parlement reste le juge spécial des nobles et des clercs. Cet édit contient des améliorations notables dans la législature, mais il a le tort de diminuer la puissance parlementaire, et le peuple n’a d’autre défenseur