Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

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de la terreur. S'il eût été présenté tout à coup et dans toute son horreur, il n’est pas un homme, quelque barbare qu'on le suppose, qui n’eùt reculé d’épouvante. Mais rien ne fut plus éloigné d’un système que la terreur. Sa marche, malgré sa rapidité, ne fut que progressive. On y fut successivement entraîné: on la suivit sans savoir où on allait ; on avança toujours parce qu'on n'osait plus reculer et qu'on ne voyait point d'issue pour en sortir!. »

. Mais, si Morris admet certaines lois naturelles qui circonscrivent l’action des hommes, s’il connaît cet engrenage des faits qui vous saisit et vous broic quand on s’y est laissé . prendre, il croit aussi que, dans une large mesure, les hommes peuvent agir sur les événements et les diriger avec prévoyance. Mais pour cela une qualité essentielle chez les hommes politiques, plus nécessaire encore que la haute intelligence, c'est la volonté. Pour ne pas être entrainé à la dérive dans la nuit et dans l'inconnu, il faut que l'homme d’État ait un plan arrêté, et en poursuive fermement l'exécution ; il faut qu'il se décide à agir quand il n’est pas trop tard.

En mai 1789, quand se pose la redoutable question de la vérification des pouvoirs des députés aux États généraux et que, dans le conflit entre le Tiers et les deux autres Ordres, des commissaires royaux essaient vainement d'amener une conciliation impossible, Morris écril (31 mai): « On me dit que la commission de conciliation à Versailles s’est séparée Sans aucun résultat, malgré une harangue très fleurie de M. Necker. La vanité de cet homme doit être excessive pour penser qu'il peut influer par son éloquence, spécialement alors que l'esprit et l'intérêt de corps sont en opération avec une telle puissance ?. »

Au commencement de Juillet 1789, après la série de fausses manœuvres et d’hésilations qui ont déjà virtuellement détruit l’ancienne royauté, il écrit à Carmichael : « Le roi, qui il y a longtemps s’est déclaré pour le peuple, a été hésitant. C’est un honnête homme et il désire réellement faire le

1. Mémoires sur la Convention et le Directoire, t. I, p. 45. 2. Te LP: 95.