Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

LES IDÉES DE GOUVERNEUR MORRIS SUR LA FRANCE 27

États généraux ‘. Le 15 juillet, le lendemain de la prise de Ja Bastille, il cause avec MM. d’Aguillon et de Menou au

Glubde Valois dont il est membre, et émet « l'opinion qu'après ce qui s'est passé on ne doit pas souffrir que le duc d'Artois reste en France ? ». Il soupe avec ses deux interlocuteurs et dit-il, « le claret étant le meilleur que j'aie encore goûté en France, je porte un toast à la liberté de la nation francaise et de la ville de Paris. »

Mais bientôt la note change et Morris se range directement du côté du roi contre l’Assemblée. « Le vicomte de SaintPriest, qui dine au Palais Royal aujourd’hui (25 janvier 1790) et qui est mon voisin de table, émet l'idée que le roi vienne à l'Assemblée dans le but de se mettre lui-même à la tête de la Révolution. Je blâme cette démarche et je lui dis. sans mächer les mots que les conseillers qui la lui recommandent Jui donnent un conseil ineple et perfide *. Mme de Ségur n'est pas de mon avis et, après le diner, son mari, à qui elle a mentionné la chose, me dit quil tient pour l'opinion contraire et désire discuter la question avant moi. J'ajoute simplement que le roi devrait envoyer ses enfants au comte: d'Artois, de sorte que la famille royale tout entière ne füt pas au pouvoir de leurs ennemis et qu'il devrait alors laisser faire la nation comme il lui plairait. Dans le cours des choses ils reviendraient à leur allégeancet. »

Alors s'accentue son rôle de conseiller et de guide. Il se met en quelque sorte en relations directes avec le roi et la reine, par des notes, des plans de conduite, des mémoires qu'il leur transmet. C'est d’abord par Vicq d’Azyr le médecin de la reine qu'il les fait parvenir 5, Dans la suite, c’est

x T.Ï, p. 72: « Je presse La Fayette, qui dîne avec nous, pour l’élection du duc d'Orléans, et je lui donne mes raisons. Il me dit qu'il sera élu. » 2. T. I, p. 12g. — 3. En français dans le texte, — 4. T. I, p. 276.

5. T. II, p. 286, le 26 janvier 1790 chez Mme de Flahaut au Louvre : « À onze heures et demie nous sommes laissés en têle à têle. Je lui communique une note écrite ce matin sur la situation des affaires et la conduite que le roi devrait poursuivre. Elle me dit qu’elle la fera venir à la reine par Vicq d’Azyr le médecin de la reine. Je lui dis qu'elle doit cultiver la société de la reine et lui donner des avis directement contraires à ceux que le roi.