Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

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effet sous le ministère Girondin et Mme de Flahaut, l’amie de Morris, lui donna dès son arrivée une information en ce sens !. Il n’en fut rien cependant. Mais lorsque le ministre des Affaires étrangères, Dumouriez, reçut le nouvel ambassadeur, il ne voulut point lui laisser ignorer qu'il était au courant des choses : « Mon entrevue avec le ministre des Affaires étrangères, raconte celui-ci, est très courte? Il ajoute que je suis déjà connu du roi. Je réplique que je n’ai jamais vu Sa Majesté qu'en public et que je n’ai de ma vie échangé un-mot avec Elle ; bien que quelques-unes de leurs gazettes aient fait de moi un de ses ministres, et que je suis persuadé que si le roi me voyait il ne me reconnaitrait pas. Là-dessus, il dit que, puisque j'ai mentionné cela, il reconnaïtra que telle est en elfet l'idée générale. Je lui réponds que je suis naturellement franc et ouvert et que, par suite, jé n'hésite pas à déclarer que, du temps de l’Assemblée Constituante, étant alors un simple particulier et poussé par ma considération pour cette nation, j'essayai d'apporter à la Constitution certains changements qui me paraissaient nécessaires à son existence : mais que je n'eusaucun succès et qu’étant maintenant un homme publie, je considère comme mon devoir de ne point me mêler de leurs affaires. » Bien que le langage de Morris fût, surle premier point, équivoque et à double sens, ce qui peut étonner chez un homme que la morale en politique préoccupe si fort, sa déclaration finale était correcte. Il parut d’abord vouloir s'y conformer rigoureusement, car voici ce qu'il disait la veille à l’une des confidentes de la reine : « Allé chez Mme de Tarente, qui a follement joué l’aristocrate À sa section. Elle désire très fort avoir mon sentiment, et je lui dis que je n'en ai point formé. lle désire une sorte d’avis pour la reine; je lui disque, dans ma situation présente, je ne puisen donner aucun; mais qu'au surplus je pense que leurs Ma-

1. T. 1, p. 529, 11 mai 1792: « Mme de Flahaut me dit que M. Dumouriez ne voudra pas m'admeltre comme ministre d'Amérique: c'est du moins ce qui lui a été dit par un membre de l’Assemblée, Nous verrons. »

2. Ici se place la question relative à l'épée et à la jambe de bois, ci-dessus p. 8.

ST TI, p. 531,/15 mai 1792.