Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

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cement d'avril « à Vieflis, le château de M. de Norrange, nous avons, écrit-il, une nombreuse compagnie et un petit diner £{, »

Le 22 janvier 17090 il dine chez M. de Montmorin: « On venait de recevoir une belle truite du lac de Genève et la question était de savoir quand nous dinerions de nouveau pour la manger. Le maitre d'hôtel fut mandé et l’on fit comparaitre la truite, une belle pièce qui pesait au moins vingt livres et parfaitement fraiche, ayant été apportée par le courrier. Le maître d'hôtel dit qu’il faut l’attendre jusqu’à mercredi « pour êlre mortifiée » ; mais ce jour-là ne convient pas à la compagnie, et la pauvre Mme Truite (Monsieur Trout) doit être mortifiée deux jours de plus; je ne puis que compâtir à ses afflictions… Vendredi (29 janvier) je vais chez M. de Montmorin pour manger la truite. Elle était si « mortifiée» qu'elle refusa d'assister au repas, c’est-à-dire en bon anglais qu'elle ‘était gâtée depuis plusieurs jours?. » Il n’a pas de chance d’ baie avec le poisson, car le 16 mai 1789; allant voir M. Le Coulteux à sa maison de Lucennes (9), voici ce qui lui arrive: « Lui et sa famille sont attendus depuis deux jours, mais personne ne vient et, comme le cuisinier ne fait pas son apparition, il est probable qu'il ne sera pas là pour diner. Je vais au cabaret, et là, malgré des apparences très engageantes, lout ce que la maison peut fournir, c’est un maquereau, un pigeon, des œufs frais et des asperges. Le premier a probablement voyagé trop lôngtemps, car il a acquis trop de haut goût pour un simple Américain. Celte circonstance occasionna la mort d’un pigeon solitaire, qui est ainsi délivré de la réclusion dans laquelle il mourrait de faim. La cuisine et les provisions se valent, desorte qu'aujourd'hui je ne mourrai pas d'indigestion. Mon hôte, dans un zèle louable pour l’honneur de sa maison, ajoute à la note ce qui manquait au diner. De cette façon les plats font très respectable figure. Le pauvre pelit pigeon est compté un peu plus d’un shilling et la botte d’asperges fluettes environ trois shillings, ce qui n'est pas déraisonnable, considérant que lesœufs sont à six sous #.»

DT p: 53 — 2. T. 1, p. 276, 287. — 3. T. I, p.82.