Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

52 GOUVERNEUR MORRIS

chez Mme de Flahaut, on est en plein dans la politique dont je suis fatigué. Après le souper l'évèque d’Autun nous lit la protestation des nobles et du clergé de Bretagne et pendant la lecture je m'endors très impoliment !. » Le 2 juin, même aventure. Il est vrai qu'il a passé la journée à la campagne chez la comtesse de Ségur : « Je reviens et en chemin j'ai (des hauteurs) une vue de cette vaste cité. Il est certain qu'elle couvre une immense étendue de pays. Je fais un tour au Palais-Royal et vais souper chez Mme de Flahaut. Je suis dans le marasme ct ai toutes peines du monde à me tenir éveillé ?

Mais bientôt il a pris le dessus et domine son petit monde. Il est vraiment l’ami des femmes, plein d’attentions et de pelits soins pour elles, sachant à l’occasion leur faire des vers anglais, ou même français. IL donne parfois des diners où il reçoit les dames et qui paraissent fort recherchés : « J'ai à diner chez moi (25 mars 1791) Mmes de Lafayette, Ségur, Beaumont, Fersensac. L'abbé Delille est un des Messieurs. Je rends visite à Mme de Chastellux (26 mars). La duchesse, à qui j'indique la raison pour laquelle je ne l'ai pas invitée à déjeuner, exprime une grande inclination à venir un jour ou l'autre 3. » Il devient ainsi le confident de Mme de Flahaut, après avoir songé peut-être à une plus tendre liaison, mais s'en être préservé : « Je fais une longue visite, d’abord téle-àtête. Je lui donne quelques vers et avec une froideur infinie je lui dis que je suis parfaitement maitre de moi-même en ce qui la concerne ; que, n'ayant aucun espoir de.lui inspirer une passion plus tendre, je n'ai aucune idée de me soumettre moi-même à une telle passion ; que d’ailleurs je suis timide à commettre une faute. Je sais que j'ai tort, mais je n'y puis rien. Elle pense que c’est une très étrange conversation ; et, en effet, c'en est une. Mais je me trompe fort si elle ne fait pas sur elle une impression beaucoup plus grande à la réflexion que sur le moment *. »

Deux jours après il reçoit d’ailleurs cet aveu : « Elle me retient à diner et, après diner, nous glissons à une conversaLion confidentielle. Pour me guérir de tout sentiment pour

1. T. [, p.63. — 2. T. I, p. 96. — 3. T. I, p. 393. — {. T.I, p. 136