Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

LES IDÉES DE GOUVERNEUR MORRIS SUR LA FRANCE 55

Ajoutons que Morris à l'étranger suivait la même méthode qu'en France et cherchait à se faire bien voir des femmes et à s'informer par elles*.

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Si j'ai insisté quelque peu sur la vie mondaine de Morris, ce nest pas seulement parce qu’elle présente des traits de mœurs curieux. C'est dans ce milieu qu'il a surtout vu et connu la France : c’est là qu'il a pris ses idées et ses informations. Sans doute il interroge, quand ilen a l’occasion, les gens du commerce, dans les ‘hôtels ses voisins à la table d'hôte, chez lui son tailleur, qui à un grade dans la garde nationale. Mais c’est surtout dans les salons qu'il poursuit son enquête. Comme de tout temps cela fut pratiqué à Paris par certains observateurs, il sait faire parler les hommes d'Etat, les hommes de Cour, les financiers, les militaires, les artistes, chacun sur son milieu, sa-spécialité, son art ou ses projets. Il amasse ainsi une quantité d'observations émanant des hommes les plus compétents et il les classe dans son cerveau. Mais ce sont surtout les femmes qui le renseignent sur la politique. Cela parait étrange, et cependant cela était naturel.

À celle époque, en elfet, les femmes de la haute société étaient intimement mélées à la politique et influentes dans l'administration. Ce phénomène, dont on pourrait rechercher les causes — mais ce n’est pas notre sujet — n'était pas nouveau. Il avait été signalé avec une précision et une force singulières par Rousseau, dans la Nouveile Héloïse. C'est Saint Preux qui écrit à Julie ses impressions sur Paris. Il lui décrit ces liaisons aimables, que Morris nous a fait connaitre : « Une liaison de galanterie dure un peu plus qu'une visile ; c’est un recueil de jolis entretiens et de jolies lettres, pleines de portraits, de maximes, de philosophie et de bel esprit?. »

1. Voyez, 1. LE, p: 270 (Mme Crayen); p. 272 (Mme César). 2. La Nouvelle Héloïse, partie IL, lettre 21. -