Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

144 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

« Elle repose, dit-il, à l'abri de cette maxime qu'entre toutes les conditions qui divisent les confessions, le législateur demeurera non pas indifférent, mais neutre; que sur tous les points susceptibles de controverse, il gardera le silence. Violez une seule fois cette maxime, tirez une seule fois le glaive de la loi à l'appui d’une vérité purement théologique et le principe d’intolérance, disons tout, le principe de persécution est debout à vos côtés. — Et ce principe, sachez-le bien, on ne lui fait pas sa part dans les lois, non plus que dans les consciencés. — Là où il est, il règne. Qu'il pénètre une fois l’ordre civil et il l’envahira tout entier ! Le maintien donc de la liberté des cultes, voilà la vraie question engagée dans ce débat. L'invasion de l'ordre civil par la puissance religieuse, voilà le vrai péril dont cette loi nous menace. »

Or, le projet de loi violait cette liberté en assimilant À une

vérité générale un dogme particulier à l’Église catholique. À la fin, le duc de Broglie s'élevait avec force, au nom de la religion même, contre la peine de mort édictée par le projet à l'égard de ceux qui se rendraient coupables du crime en

question :

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« Qui réclame la peine de mort contre le crime qu’on veut nommer sacrilège? Est-ce la société alarmée? Non. Est-ce le gouvernement plus éclairé que la société? Non! — C’est la religion, nous dit-on. Eh quoi ! la religion demanderait aujourd'hui la mort de celui qui l'aurait outragée! La religion demanderait qu’un tel homme, coupable d’un tel acte, fut privé du temps de rentrer en lui-même et de déplorer sa frénésie! La religion demanderait qu'on le précipitât tout souillé de son forfait devant le tribunal du juge suprême! Non, non! ce serait un sacrilège de le penser‘! »

Malgré cette démonstration aussi lumineuse qu’éloquente,

1. Victor de Brocrte. Ecrits et Discours. Paris, 1863, Il? vol. p.

153, etc.