Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

SOUS LA MONARCHIE DE JUILLET 157

tériser l'attitude du gouvernement de Louis-Philippe, l'opinion de deux hommes qui n'étaient pas suspects de dévotion, Dupin (aîné) et Thiers :

Voici comment le premier, alors procureur général à la

Cour de cassation et député, s’exprimait à propos d’un refus

d'autorisation de culte par un maire de grande ville! :

« La Charte, d'accord avec les actes précédents de notre législation moderne, consacre la liberté de conscience et l’égale protection de lous les cultes. C’est là un des articles qu'il importe le plus de maintenir, car si la liberté individuelle, celle de la presse et des opinions sont précieuses, à plus forte raison cette liberté intime qui existe au fond de la conscience et se manifeste par le culte de la divinité.…... Le motif du refus d'autorisation (on avait allégué que le culte protestant déplairait aux Israélites) est ce qu'il y a de plus opposé à la liberté des cultes et à la tolérance telles qu’on doit les entendre ; car le but de cette liberté est précisément de les obliger tous à se souffrir, à se supporter, à l'exercer les uns à côté des autres en paix, avec un esprit de charité, s’il est possible, et, en tout cas, de tolérance » (séance du 20 mai 1836).

Et Thiers, à propos du projet de loi sur l'instruction

secondaire, déclarait dans son bureau (juillet 1844) : « J'aime

cent fois mieux une nalion croyante qu'une nation incrédule. Une nation croyante esi mieux inspirée quand il s’agit des œuvres de l'esprit ; plus héroïque quand il s’agit de se défendre. — Maïs pensez-vous que vous rendrez la jeunesse croyante en la donnant à instruire au clergé? Je ne le pense pas. Voyez par exemple le xvin° siècle, renommé par son incrédulité, et bien ! il est sorti des mains des corporations enseignantes. La génération actuelle, au contraire, plus croyante et, en tout cas, plus respectueuse envers la religion, est sortie de l’Université. D'où vient cela? c’est qu'on n’a pas voulu forcer la croyance de la

1. V. l'affaire Oster, à Metz, page 174, note 3.