Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

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de la liberté ; les évêques, à l’envi, déclarèrent dans leurs mandements que c'était Jésus-Christ qui le premier avait inauguré dans le monde les principes de « liberté, d'égalité et de fraternité », servant de base à la République. L. Veuillot, dans l'Univers, assurait que la « révolution de 1848 était une « notification de la Providence ; que la France, qui s'était « crue monarchique, était déjà républicaine: qu'il n’y avait « pas de plus sincères républicains que les catholiques ».

Cette adhésion des catholiques au nouveau régime fut confirmée, d’une façon catégorique, par l'£re nouvelle fondée en avril 1848, par le P. Lacordaire, l'abbé Maret, MM. Ozanam, de Coux, Lorain, etc.; ce journal, en effet, inscrivait en tête de son programme la liberté de conscience et de pensée. « Après les révolutions qui, en un demi-siècle, ont ren« versé trois trônes, y disait-on, deux choses sont restées « debout en France : la nation et la religion. Or il faut que « l'Église et la nation marchent d'accord : l'Église doit « respecter la république et, en retour, la nation doit respec« ter l'Église. Nous demandons pour nous et pour tout le « monde les libertés, qu'on nous a refusées jusqu'à présent « et que l'Amérique protestante ne refuse à personne: la « liberté d'éducation, la liberté d'enseignement, la liberté « d'association, sans lesquelles toutes les autres sont impuis« santes à former des hommes et des citoyens ».

C'était, on le voit, le programme de l'Avenir, moins la séparation de l'Église et de l'État. Quant au journal l Univers, on ne pouvait guère prendre au sérieux la conversion républicaine de son directeur, qui naguère avait mis sa plume au service de la monarchie de Juillet.

Les rédacteurs de l'£re nouvelle étaient plus sincères. Mais étaient-ils aussi logiques? La liberté de pensée, et même simplement la tolérance, étaient-elles compatibles avec le principe d'autorité et l'antique tradition théocratique

1. V. l'adhésion de M. Waille, ancien rédacteur-gérant de l’Avenitr, en tête du premier numéro (15 avril 1848).