Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

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de l’Église catholique romaine? C’est ce dont il est permis de douter.

Ces doutes furent exprimés par Ernest Renan dans un article de la Liberté de penser". Après avoir posé en principe que la charte des libertés modernes se résume en ces quatre articles, souveraineté du peuple, suffrage universel, tolérance religieuse et liberté de penser, il examinait si l’Église catholique pouvait accepter les deux derniers ?. Voici sa réponse : « L'Église n’a jamais été tolérante et ne le sera jamais, elle « ne peut pas l'être; car, d’après elle, l'erreur ne peut venir « que d’une ignorance grossière ou d’une mauvaise foi déci« dée. L'erreur de bonne foi est l’exception (M£' Frayssinous). « En deuxième lieu rien ne tient devant la seule chose « nécessaire : sauver les âmes. Et pour ce faire, l'Église « quand elle l’a pu, n’a pas hésité à violer le droit de la « famille sur l'éducation religieuse des enfants. Pas plus que « la liberté de penser, l'Église ne respecte ses corollaires : « la liberté de la parole ou de la presse. De là l’/ndex libro« rum prohibitorum ». Et Renan concluait que l'Église, en parlant de liberté, de tolérance, profanait et faussait ces mots sacrés du symbole libéral.

Ce qui fait croire qu’il ne se trompait guère, c’est le livre de Louis Veuillot, qui parut peu après, sous le titre Les libres penseurs (1848). L'enfant terrible du parti catholique y faisait une charge à fond contre tous les lettrés et professeurs, avocats où hommes d'État, ces « docteurs en « bourgeoisie qui, depuis Voltaire jusqu'à Eugène Sue,

« depuis M. de Choiseul jusqu’à M. Thiers avaient sapé les « fondements de l'autorité de l'Église et versé dans l’âme du

« peuple le poison du libre examen ». La liberté qu’il réclamail, c'était le monopole de l’Église substitué au monopole de l'Université, la liberté de l’orthodoxie?.

1. Du libéralisme clérical, {. I, p. 510. Mars-Avril 1848.

2. C’est ce qu'il avoua d’ailleurs quelques années plus tard : « Notre liberté à nous, c'était essentiellement la liberté de l'Eglise » (V. l’article de Veuillot sur l’Æéstoire du parti catholique, par le comte de Falloux

(1856).