Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

DEPUIS LA MORT DE MAZARIN JUSQU A L'ÉDIT DE TOLÉRANCE 67

en distinguait bien la cause de la religion, qu'il savait rendre respectable et même aimable, sous les traits de Michel de L'Hôpital. — Vingt ans après Voltaire reprit ce plaidoyer de la tolérance dans Mahomet (1745). C'est dans le faux prophète qu'il incarnait le fanatisme. (Acte IF, scène 8.)

N'est-ce pas un signe des temps nouveaux qui approchent que de voir quelques dignitaires du clergé catholique se rallier à cette idée de la tolérance? Si Fénelon a sur ce point, on l'a vu, une réputation usurpée, Claude Fleury, le confesseur de Louis XV, la mérite pleinement : « De tous les change« ments de discipline, dit-il’, je n’en vois point qui ait plus « décrié l'Église que la rigueur exercée contre les hérétiques « et autres excommuniés..…. La vraie religion doit se con« server et s'étendre par les mêmes moyens qui l'ont établie : « la prédication accompagnée de discrétion et de prudence, « la pratique de toutes les vertus, surtout une patience sans « bornes... » Bien plus, il s’est rencontré un pape, Benoît XIV, qui n’a pas rougi d'accepter la dédicace du Mahomet de Voltaire, que Louis XV avait déclinée, et n'a pas cru renier lesprit apostolique en se montrant tolérant à l'égard des protestants et des juifs*. Il intercéda même auprès de Louis XV en faveur des Réformés persécutés.

La cause de la liberté de conscience avait grand besoin de recruter des défenseurs en haut lieu ou chez les princes des lettres françaises, car elle avait de redoutables adversaires; les Jésuites, qui par son confesseur, toujours choisi dans leur compagnie, avaient l'oreille du Roi; les chefs de l'Église gallicane, qui allaient engager contre l'esprit nouveau une lutte acharnée. Les premiers, aveugles aux signes du temps, maintenaient avec opiniâtreté le principe de la religion d’État, avec tous ses privilèges, et combattirent la liberté de conscience, sous le nom de « tolérantisme » comme une redoutable hérésie des temps modernes.

1. Discours préliminaire sur l'histoire ecclésiastique, IV et VE. 2. V. Vie de Benoît XIV, Paris, 1783.