Histoire des deux conspirations du général Malet, page 234

216 HISTOIRE DES DEUX CONSPIRATIONS

les soldats fraternisaient avec les gardes nationaux de la 10° cohorte. La mort de l’empereur, la déchéance du gouvernement impérial étaient généralement accueillies par ces braves gens comme des circonstances heureuses pour le pays. Ils étaient au plus haut degré animés du sentiment national et démocratique. J’en trouve la preuve dans le petit fait suivant.

Le conseiller d'Etat Réal, cet ancien ami de la Gironde, ce défenseur très-zélé de Babeuf à la haute cour de Vendôme, cet apostat cynique qui le soir du 19 brumaire s’écriait en se frottant les mains : « La farce est jouée », ayant été informé de ce qui se passait, était accouru à la place pour prévenir le général Hullin. Comme on l’empêchait de passer : «Je suis le comte Réal, dit-il. » Il était comte en effet, lui aussi, comme Hullin, comme Rœderer, et tant d’autres renégats de la Révolution. « Il n’y à plus de comtes, lui répondit brusquement le sous-lieutenant Lefèvre, de la 10° cohorte. Réal ne se le fit pas dire une seconde fois; il se hâta de rebrousser chemin, et s’en fut chez l’archichancelier Cambacérès, où nous le retrouverons tout à l’heure. Les soldats de l’empereur n'étaient pas éloignés, comme on le voit, d’en revenir à leur ancien cri de gloire : Vive la République !