Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

PENDANT LA RÉVOLUTION. 109 blée eût statuëé sur leur sort. La délibération fut longue et. orageuse; Mirabeau demandant d'une voix hautaine quelle loi s'opposait au voyage des princesses, un député lui répondit gravement : « Le salut du peuple! » Menou eut l'esprit de mettre un terme à la discussion en s'écriant : « L'Europe sera bien étonnée quand elle saura qu'une grande assemblée a mis plusieurs jours à décider si deux vieilles femmes entendraient la messe à Rome ou à Paris !»

Les tantes du roi furent remises en liberté, mais leur départ fut regardé par l'aristocratie comme le signal d'une émigration générale ; à partir de ce moment, les routes de l'étranger se couvrent de fugitifs.

Lorsqu'on avait connu le départ de Mesdames, la foule s'était portée au Luxembourg, où résidait Monsieur. Le prince protesta de ses intentions, assura qu'on le soupçonnait à tort de vouloir s'éloigner de Paris et il fit le serment de ne point quitter le roi. Le peuple, que les exemples du passé rendaient peu conliant, força Monsieur à venir s'établir aux Tuileries pour partager la semi-captivité de Louis XVI.

À parlir de ce moment, la surveillance redouble autour du malheureux roi. Cependant sa popularité n’a pas encore subi d'irrémédiables atteintes; au fond, il est aimé dans le peuple, où on le croit animé des meilleurs sentiments. En mars 1791, il tombe malade, et la plus vive inquiétude se manifeste dans la population. Son rétablissement provoque une allégresse gé-

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