Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

112 LE JOURNAL D'UN ÉTUDIANT

montra plus de puissance, plus d’entrainante audace que dans ce discours : « Je jure, s'écria-t-il, si une loi d'émigration est votée, je jure de vous désobéir. » Les arguments mis en avant par le tribun furent passionnément commentés, en particulier une lettre éloquente qu'il avait adressée autrefois à FrédéricGuillaume, et dans laquelle il réclamait la liberté d'émigration comme un des droits les plus sacrés de l'homme ; il l'avait lue à la tribune. : « J'ose à peine vous déclarer mon opinion sur M. Mirabeau, écrit Terrier; mais comment un homme de sens peut-il de bonne foi citer, dans une circonstance aussi urgente, une lettre écrite pour un État paisible! Quelle analogie y a-t-il donc entre la Prusse tranquille, la Prusse en paix etla France en convulsion? On cite les droits de l'homme! Sans doute ces droits auront toute leur étendue lorsque la patrie sera sauvée, mais dans un temps de trouble, de périls, où il faut des bras, des baïonnettes et peut-être du sang, chaque citoyen doit défendre ses foyers ou y renoncer, parce qu'il est souverainement injuste que son voisin s'expose pour défendre ses propriétés qu'il abandonne. Au reste, je ne vois pas qu'un décret qui défendrait les émigrations dans un temps de troubles fût plus contraire aux droits de l’homme et à la liberté que celui qui ordonne que tout citoyen en âge de porter les armes s'armera pour défendre sa patrie lorsqu'elle sera menacée. Pourquoi ne pourrait-on pas rester