Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

PENDANT LA RÉVOLUTION. 113

tranquille chez soi s'il est permis de s’absenter ? »

Mirabeau triompha, mais ce fut presque sa dernière victoire. Depuis la fin de 1788, il se sentait profondément atteint : « Les peines d'esprit, les agitations de l'âme, les tempêtes civiles, le travail forcé, tout cela m'use où m'a usé, disait-il, et je ne suis plus invulnérable. » La maladie allait terrasser cette puissante nature. Des yeux caves, la pâleur du visage, des défaillances soudaines, faisaient pressentir une crise imminente. Il ne parut plus qu'une seule fois à la tribune de l'Assemblée; ce fut dans la question des mines et pour donner la preuve d'amitié la plus touchante. Le comte de la Marck, avec lequel il était intimement lié et qui lui servait d'intermédiaire dans ses rapports avec la cour, avait presque toute sa fortune placée dans les mines. Une loi proposait de supprimer les concessions, et l'Assemblée paraissait disposée à l'accueillir favorablement. Le jour où la question viut en discussion, Mirabeau, quoiqu'il püt à peine se soutenir, se prépara àse rendre à la séance. La Marck' s'efforca de l'en empêcher : « Mon ami, répondit le tribun, ces gens-là vont vous ruiner si je n'y vais pas; je veux partir, vous ne parviendrez pas à me retenir. » Quelques heures après, il revenait en disant à son ami : « Votre cause est gagnée, et moi je suis mort, » et il s'évanouit. Il ne sortit plus de chez lui.

La nouvelle de sa maladie plongea Paris dans la