Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

PENDANT LA RÉVOLUTION. 117

Paris, 5 avril 1791.

« Ce fut samedi dernier, à dix heures et demie du matin, que Mirabeau mourut et qu'avec lui disparut le plus grand génie de son siècle. Il attendit sa fin aussi fermement qu'il brava pendant sa vie toutes les insultes et les calomnies de ses ennemis. La consternation, l'abattement, la tristesse, peints sur le visage de tous Les citoyens en général, démontrent combien sa perte leur cause de douleur. Livré pendant sa maladie aux soins d'un ami dont il connaissait l'attachement, il n’a point voulu voir d'autres médecins, et c'est avec beaucoup de peine qu'il consentit à recevoir M. Petit, très célèbre praticien. « Mon ami, disait-il à M. Cabanis, qui le soignait, c'est pour vous que je refuse de voir M. Petit; si je revenais à la vie, vousen auriez tout le mérite et il en aurait toute la gloire. » Ce trait seul suffit pour confondre ceux qui ont prétendu que ce grand homme ne connaissait pas l'amitié.

« Deux jours avant sa mort, il entendit un bruitextraordinaire, il en parut surpris; on lui apprit que c'était un coup de canon : « Serait-ce déjà, dit-il, les « funérailles d'Achille? »

« Un concours nombreux de citoyens assiégeaient sa porte; la rue était toujours pleine, et l’on voyait bien

mort sur le crime qu’elle a commis. » Mirabeau prenait des bains qui renfermaient une dissolution de sublimé; ils avaient produit chez lui cette teinte verdâtre qu'on attribuait au poison.

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