Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

118 LE JOURNAL D'UN ÉTUDIANT

au calme parfait, au silence qui régnait, que c'était l'intérêt qui les amenait et non la curiosité. Cependant, malgré leurs précautions, les oreilles de Mirabeau furent frappées de quelque bruit : « C'est, lui dit-on, « le peuple qui veut sans cesse apprendre de vos nou« velles. — II m'a été doux de vivre pour le peuple, « dit-il, il me sera glorieux de mourir au milieu de « lui. »

« Ses facultés intellectuelles ne pouvaient se désor-

-ganiser facilement, aussi les a-t-il conservées jusqu'à

sa mort, mais ses souffrances ont été cruelles et elles n'ont point abattu son courage. Cependant, peu d'instants avant d’expirer, il demanda plusieurs fois de l’opium à son médecin.

« Samedi au soir, il reçut les députés de l’Assemblée nationale. « C’est aujourd'hui, dit-il à M. de Talley« rand, évêque d’Autun, que l'on doit traiter l’im« portante question des successions. J'avais préparé « là-dessus un ouvrage qui aurait peut-être été utile; « lisez-le si l’Assemblée veut Le permettre. »

« Outre cet ouvrage, il en avait fait quatre autres qu'il a donnés aussi aux députés; c'était un traité sur l le mariage des prêtres, sur le divorce, sur l'éducation nationale et enfin sur les académies. Ses refus constants d'accepter les insolentes provocations que lui ont faites ses ennemis, sont un excellent traité sur le duel.

« Écartons de sa tombe tous ses défauts et ne pensons seulement qu'à donner des regrets à ses talents et à