Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

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son grand génie. C'est le premier grand ‘homme qu'ait perdu la France libre.

« Ici, le Club des Amis de la Constitution portera le deuil pendant huit jours; indépendamment.de cela, la plus grande partie des patriotes le porte, ainsi que les dames. »

Les funérailles du célèbre tribun furent grandioses ; La Fayette, tous les ministres‘, l’Assemblée tout entière, le club des Jacobins, toutes les-autorités, le département, les municipalités, les sociétés populaires, l'armée, accompagnaient le convoi, escortés d'un peuple immense. Le cortège était si long qu'on n'arriva qu'à huit heures à l’église Saint-Eustache. Cerutti prononça l'éloge funèbre. Dès qu'il fut terminé, 20 000 gardes nationaux déchargèrent à la fois leurs armes. C'est à la lueur tremblante des torches qui éclairaient la scène qu'on arriva à Sainte-Geneviève et que la lugubre cérémonie prit fin. On s'étonna que le roi ne se soit pas joint au Corps législatif pour suivre ‘le cortège : l'impression eût été profonde dans l'esprit du peuple.

« Les obsèques de Mirabeau ont été, pour la pompe, celles d'un monarque, écrit Edmond, mais ce dont les rois ne peuvent pas trop se flatter, il emportait avec lui les regrets de tous les citoyens. Les spectacles ont été fermés tous samedi, et aujourd'hui les Fran-

1. Dans l’ancien régime un garde des sceaux ne portait jamais le deuil, ne faisait aucune visite. M. Duport du Tertre assista en simarre aux obsèques de Mirabeau. :