Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

PENDANT LA RÉVOLUTION. 63

Pour augmenter encore l'agrément de ces courses dominicales nos jeunes gens ont emprunté un fusil à un de leurs amis et, tout en parcourant les routes des environs, ils usent de ce droit de chasse si ardemment souhaité et que possèdent désormais tous les Français; leur chasse n’est pas miraculeuse, mais ils tuent de petits oiseaux qu'ils font rôtir pour leur déjeuner et qu’ils vont ensuite manger gaiement assis le long de quelque ruisseau.

Souvent ils profitent de leurs promenades pour vi- : siter des monuments, des musées ou des manufactures; c’est ainsi qu'ils se rendent aux Gobelins, dont les merveilleuses tapisseries excitent leur ravissement. Edmond mande à son père :

« J'ai été voir dernièrement les Gobelins. Je t'avoue que ce genre de peinture m'a fort surpris; je ne conçois pas comment des ouvriers sans aucune règle de dessin, sans aucun principe, peuvent faire des ensembles si corrects, ayant d’ailleurs le modèle derrière eux, qu'ils ne regardent jamais, des teintes si bien ménagées, si bien fondues, un coloris si frais, un moelleux qui ne le cède en rien au coloris de nos meilleurs peintres. Le jeune homme qui nous conduisait m'a dit qu'on restait sept ans pour le moins à faire une tapisserie, assez vaste à la vérité : quelle patience! J'ai parcouru les galeries; outre des tapisseries, j'ai vu des tableaux des premiers maîtres du monde : Thésée domptant le taureau de Marathon,