Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

PENDANT LA RÉVOLUTION. + 15

En 1686 on avait élevé sur la place des Victoires, aux frais du maréchal de La Feuillade et sur les dessins de Desjardins, un groupe en bronze doré représentant Louis XIV debout, couronné par la Victoire et foulant aux pieds quatre esclaves enchaïnés ; ces esclaves figuraient des peuples vaincus; il y avait en outre six bas-reliefs en bronze, dont l’un représentait la conquête de la Franche-Comté en 16741. Un jour, à l'Assemblée, l’un des Lameth se lève et demande la destruction de ces emblèmes outrageants : « Il ne faut pas souffrir, s'écrie-t-il, ces monuments d’esclavage dans les jours de liberté. Il ne faut pas que les FrancsComtois, en arrivant à Paris, voient leur image ainsi enchainée. »

La discussion s'engage, lorsque tout à coup un député, sous l'influence des idées qui s’agitent, propose d’abolir les titres, les armes, les armoiries, de défendre les livrées, ete. Après une assez longue délibération, la motion est adoptée, en même temps que celle qui concernait la statue de Louis XIV.

Cette loi sur les titres et les armoiries provoque chez nos jeunes gens la plus vive allégresse. Aux yeux d'Edmond c’est le dernier coup porté à tout ce qui reste de l’ancien régime :

1. Les cinq autres représentaient: le 1+, l’abolissement du duel; le %, la destruction de l’hérésie en 1685; le 3°, la préséance de la France reconnue par l'Espagne en 1662; le 4, le passage du Rhin en 1672; le 5°, la paix de Nimègue en 1678.