Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

74 LE JOURNAL D'UN ÉTUDIANT

« Tu as sûrement dû apprendre avec joie, écrit-il à son père, ce charmant petit décret, qui abat avec tant de légèreté tous ces vains ornements, tous ces vieux titres, toutes ces belles armoiries, tous ces beaux noms, faits pour flatter l'orgueil de nos misérables aristocrates. Et que vont devenir ces belles livrées, si bien chamarrées, si éclatantes, ces mots si sonores de duc, prince, comte, vicomte, marquis, baron, chevalier, etc., et surtout tous ces vieux parchemins? Les uns iront à la friperie, d’autres rentreront dans le néant, d'autres enfin iront à la géhenne du feu qui ne s'éteint point, et c'est là où il y aura des pleurs et des grincements de dents. J'en ris de bon cœur, je t'assure; aussi bien ces mots et ces marques distinetives nous choquaient l'oreille et les yeux; naturellement ils devaient bientôt disparaître. « Le décret qui renverse les statues de la place des Victoires nous a fait aussi beaucoup de plaisir, tu dois en savoir le motif sûrement; tu as vu ces nations enchaînées et courbées servilement sous les pieds de ce monarque altier et despote..….. c'est tout dire, ces images flétrissantes pouvaient-elles exister? J'ai même été étonné de ce qu’on laissait debout celle de Louis XIV; mais le grand-père de Louis XVI méritait bien cette grâce.

« Je ne sais si tu auras vu dans les papiers le sarcasme piquant et bien appliqué de M. Lucas, député