Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

18 LE JOURNAL D'UN ÉTUDIANT

dignement la cérémonie; tous les. esprits s'en occupaient fiévreusement.

« Vous vous faites aisément une idée de ce que doit être cette fête, mande Terrier. Je ne connais rien de comparable dans l’histoire. » Puis, se laissant emporter par son lyrisme aux images les plus invraisemblables. il ajoute : « Quel spectacle pour l'être sensible qui, s'élevant au centre de la terre à une hauteur convenable, verra 24 millions d'hommes réunis pour la cause commune, se jurant le même jour, à la même heure, une union et une fraternité indissolubles! »

M. Géraud, nous l’avons vu, avait gardé près de lui son second fils, John. Mais le jeune homme brülait du désir d'aller retrouver son frère à Paris, et la cérémonie qui se préparait dans la capitale lui servit de prétexte pour insister de nouveau auprès de ses parents. Il finit par obtenir l'autorisation qu'il sollieitait, et au commencement de juillet 1790 il partit avec quelques amis de sa famille qui venaient assister à la Fédération. En se séparant de son second fils comme il s'était déjà séparé du premier, M. Géraud s'imposait une cruelle privation, mais il croyait agir dans l'intérêt bien compris de ses enfants, et il le leur témoignait en termes fouchants; avec une exaltation qui peut nous sembler singulière, mais qui à l'époque était par- ° tagée par beaucoup de bons esprits, il leur demande de se montrer dignes du grand siècle qui s'annonce et