Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

80 LE JOURNAL D'UN ÉTUDIANT

mandations dont il l’accable pour ses préparalifs de départ et pour sa route, nous n'en retiendrons qu'une seule qui nous a paru assez plaisante et qui montre avec quelle persistance les traditions se perpétuent à travers les générations : « Méfie-toi bien, écrit Edmond à son frère, méfie-loi des couteaux que des jeunes filles t'offriront à Châtellerault, au relais de la diligence; c’est de la drogue, n’en achète pas. Je puis t'en parler pertinemment. Comme un autre Ulysse, ne te laisse pas toucher des prières de ces sirènes! » Quiconque a traversé la gare de Châtellerault sait qu'on est assailli jusque dans les wagons par des marcliandes de couteaux et de ciseaux, dignes émules des sirènes dont nous parle le jeune homme.

John arriva à Paris sans incident digne d’être noté; il était en uniforme de garde nationale de province et son costume lui valut tout d'abord un succès de curiosité qu'il supporta très gravement.

Cependant on avait fait courir des bruits sinistres : on affirmait que des brigands pilleraient Paris pendant que le peuple serait à la Fédération; on prêtait au duc d'Orléans des projets effrayants. M. Géraud s’inquiétait un peu de tous ces bruits et il s'en ouvrait au précepteur de ses enfants en lui recommandant la plus grande prudence.

À en croire Terrier, toutes ces rumeurs n'étaient que mensonges, méchamment propagées par les ennemis de la Constitution ; jamais la tranquillité n'avait