L'école de village pendant la Révolution
20 CHAPITRE I.
malheur d'en manquer.» Aussi n’est-il pas surprenant qu’on signale les défauts des « maitres ignorants dont on se sert dans les campagnes, plus mal payés que des valets et aussi grossiers que leurs élèves » ?, et ce n’est pas seulement en Bretagne que l’on dit que les maîtres et les maîtresses d'école ignorent eux-mêmes ce qu’ils font métier d'enseigner 5.
Lire, écrire, et faire tant bien que mal les premières règles de l’arithmétique, c'était souvent toute leur science. Un prêtre érudit a tracé en 1784 un piquant portrait du maître d'école de son temps et de sa province. « C’est un jeune homme qui sort de l’école, qui craint le sort de la milice, qui a été enfant de chœur dans son village, qui sait lire jusqu’à trouver l'office du jour dans un livre d'église, qui chante au lutrin, qui écrit, quoique machinalement et sans principes, qui fait tant bien que mal les premières règles de l’arithmétique… Il se présente, il fait éclater une voix qui approche de celle de Stentor; on le croit habile; il est reçu avec applaudissement. M. le Magister se pavane dans l’église avec une chape sur le corps, et peu s’en faut qu'il ne veuille faire la loi au curé de la paroisse. Demandez-lui
1 Du Gouvernement des mœurs, 1784, p. 143-144. Chap. XIT à XIV, De l'Instruction nationale.
2 De l'Education publique, Amsterdam, 1763, p. 202. Ce livre, attribué à tort à Diderot, est de l'abbé Proyart.
3 Lettres à Grégoire, p. 254.