L'oeuvre sociale de la Révolution française

LA RÉVOLUTION ET LE CLERGÉ 333

Il est facile de tourner cette cérémonie en ridicule et de la traiter de ballet d'opéra, ou de parodie bouffonne ; mais il serait souverainement injuste de Ia considérer uniquement sous cet aspect. Chaumette et ses amis virent surtout en elle un symbole ; naïfs et enthousiastes, ils étaient trop épris de leur idéal pour que celui-ci ne transfigurât pas tout à leurs yeux : ils ne s’aperçurent pas que l'expression de leur rêve était par trop païenne et matérialiste, qu'elle était, par certains côtés, puérile et mesquine, et prètait aux railleries. Pour eux, la fête de la Raison à une signification précise et grande. La vieille cathédrale, sanctuaire de la Foi, transformée en temple du nouveau culte et de l'esprit nouveau, l'antique demeure du clergé réfractaire puriliée, en quelque sorte, par cette apothéose de l'emblème révolutionnaire, la jeunesse abjurant les erreurs du passé, et saluant, dans un transport fervent, le règne de la Liberté, promesse d'un avenirde justice et de bonheur, voilà ce qu'ils avaient voulu marquer; et la religion, dont ils fêtaient la naissance, ne devait être et ne fut le plus souvent qu'une sorte de prédication morale, inspirée par des sentiments très élevés et très purs.

Par cette raison même, il était difficile qu'elle s'imposät au peuple; et, en fait, la tentative de Chaumette échoua complètement. Le nouveau culte

recruta sans doute des adeptes dans les villes, mais