La correspondance de Marat

100 LA CORRESPONDANCE DE MARAT

gralement. Marat l'avait présentée aux États-Généraux sous ce titre : Tableau des vices de la constitution anglaise, destiné à faire éviter une série d'écueils dans le gouvernement que nos députés veulent donner à la France. Mais il ne la publia que bien plus tard, en 1793, à la suite de sa traduction française des Chaînes de l'Esclavage (p. 324-328).

Paris, ce 23 août 1789.

La constitution d'Angleterre a passé depuis longtemps pour le chef-d'œuvre de la sagesse humaine; et il faut en convenir, avant celle des États- Unis, il n’en ‘était point de plus parfaite:

Peu de lecteurs la connaissent à fond, moins encore sont en état de la juger ; mais le préjugé est en sa faveur, et, grâce à l’anglomanie, ce préjugé est général. Il serait cruel toutefois qu’elle servit de modèle à la Constitution qu'on nous prépare : c’est pourtant ce qui est à craindre, si le travail du comité constitutif est adopté; car on assure que ce comité croit ne pouvoir mieux faire que de la copier servilement. Frappé des vices nombreux qui la corrompent, j'ai pensé qu'il était du devoir d’un bon citoyen de les développer, et d'en mettre l’analyse fidèle sous les yeux des États-Généraux. Un goût naturel pour la politique m'avait engagé à faire une étude particulière du gouvernement anglais : dix années de séjour sur les lieux me mirent à portée d’en observer le jeu de très près, d’en suivre la marche, d'en saisir les avantages et les défauts.

Le tableau que j’offre ici aux Français, je Pai offert aux Anglais eux-mêmes : on le trouvera dans un ouvrage publié à Londres en 1774 sous le titre : The Chains of "Slavery. Qu’il me soit permis de rappeler ici le sort et le but de‘cet ouvrage, dont la traduction a paru dix-huit ans avant l’original. Ennemi du despotisme jusqu’à l'horreur, je venais de