La correspondance de Marat

LA CORRESPONDANCE DE MARAT 101

suivre d'un œil inquiet les démêlés de Wilkes et du cabinet de Saint-James; je vis avec admiration l’esprit public se déployer quelques moments contre les attentats du minisère, punir’ rigoureusement la violation de l’asile d’un citoyen, et (racer une barrière nouvelle autour du temple de la liberté, en proscrivant les décrets’ généraux de prise-de-corps : mais ce n'était là qu'une tache de moins dans le tableau.

En l’examinant avec soin, je ne tardai pas à m’apercevoir que la constitution anglaise, tant de fois retouchée, renfermait une foule de vices qui laissaient la carrière toujours ouverte aux prévarications ministérielles, et qui exposaient la sûreté publique aux atteintes du cabinet, lors même qu'il ne se permettait aucun coup d'autorité : vices énormes, auxquels néanmoins il paraissait aisé de remédier à l’aide de quelques lois aussi simples que sages.

C'était au Parlement seul qu’il appartenait de porter ces lois salutaires. Pour les attendre de lui, il fallait avant tout qu’il fût composé d'hommes sages et intègres. Il approchait de l’époque de son renouvellement, et je crus le moment favorable pour songer à faire perdre à la cour sa funeste influence sur les élections.

Le désir de travailler à défendre le dernier asile de la liberté, qui semblait s’être réfugiée dans l'ile fameuse d'Albion, m'inspira le dessein de réveiller l'attention des Anglais sur un objet aussi sérieux, en les rappelant aux sentiments de leurs droits par le tableau des odieux artifices qu'emploient les princes pour asservir les peuples, et le tableau des maux effroyables que le despotisme traine toujours à sa suite.

L'ouvrage était fait : il ne s'agissait que de le publier. On verra un jour les entraves que le cabinet mit à sa

1. The general Warants, espèce de lettres de cachet, dans lesquelles le délit et le nom de l'accusé-m'étaient point spécifiés. (Note de Marat) AE For