La correspondance de Marat

LA CORRESPONDANCE DE MARAT 107

Justice, ils ont repris le cours de leurs machinations, et la France est à la veille des plus grands malheurs. Pour la retirer de l’abime, il n’y a d'espoir que dans l’énergie des vrais citoyens, assez courageux pour pénétrer le peuple du vif sentiment de ses droits, et l'engager à les venger. Dans les conjonctures actuelles, croyant ma plume plus utile à la défense de la liberté qu’une armée entière, je vous requiers, Messieurs, d'ordonner à mon premier imprimeur, qu'a intimidé votre sommation, et qui refuse de faire sortir ma feuille de ses presses, de continuer à travailler sans crainte à cet écrit patriotique, me portant garant personnel de tout ce qui pourrait blesser la vérité ou la justice. Je vous requiers aussi de ne plus altenter aux droits des citoyens, en vous opposant à leurs assemblées dans les lieux publics*, assemblées qui vous ont sauvés dans le temps où vous étiez encore confondus dans la foule, et avant qu'ils vous eussent honorés de leur confiance. Je vous requiers encore de presser l’Assemblée nationale de constituer sans délai un tribunal suprême, pour juger complètement les ennemis de l'État. Enfin, je vous requiers de ne jamais oublier que vous n'êtes revêtus de pouvoir que pour soutenir les droits de vos concitoyens, approvisionner

1. {1 y a des assemblées de districts, direz-vous. Cela serait bon, si elles étaient bien composées, si tout ne s’y faisait pas par cabale, et si les bons citoyens n'étaient obligés de les déserter. Qui ignore que les procureurs, les avocats, les cons'illers au Châtelet et au Parlement, hommes nourris des préjugés de leur état, imbus de l'esprit de corps, et dévorés de la soif de cummander, se sont emparés des Comilés où ils priment par l'habitude qu'ils ont de parler en publie : de sorte que ces marchands de paroles se sont rendus maîtres de toutes les résolutions. Bientôt ils le seront de la Municipalité : sur trois cents députés à la Ville, on compte cent quarante-cinq de ces gens-là; avec un esprit retréci et gâté comme ils l'ont, il est presque impossible qu'ils soient bons patriotes, et si nous n’y prenons garde tandis qu'il en est encore temps, nous serons asservis par les suppôts de la chicane, et tomberons sous le joug des Parlements. (Note de Marat)