La correspondance de Marat

126 LA CORRESPONDANCE DE MARAT

contraignent par corps à payer vos barbares créanciers, et vous livrent sans pitié aux horreurs d’une prison. |

Vous m'objectez le ton violent et peu mesuré avec lequel j'attaque les ennemis de la patrie, et vous m'invitez à supprimer le titre de mon journal, attendu qu'il suppose l'assentiment d’une partie du peuple, qui ne peut reconnaître pour son vrai ami que celui qui n'avance que des faits dont il donne la preuve, qui n’attente qu'avec ménagement à la réputation d’un ministre chéri de la France, et qui conserve dans ses écrits le respectet la décence düs au public. C’est comme si je vous faisais procès d’avoir juré au siège de la Bastille, et dans l’expédition contre les gardes-du-corps; c'est comme si je vous censurais de n'avoir pas reproché poliment à Delaunay sa perfidie, et ne lui avoir pas demandé la permission de Île tailler en pièces. Ne vous y trompez pas : nous sommes encore en guerre contre nos ennemis; chaque jour ils nous tendent des pièges et chaque jour je suis appelé à leur livrer combat; vous me faites donc un crime de me battre en désespéré pour votre salut, et de leur opposer les seules

“armes qu'ils redoutent! Quant au ministre chéri de la France, il pouvait en imposer encore avant son reiour; aujourd’hui le voile est déchiré : demandez-lui un peu qui à payé les troupes qui étaient venues pour vous égorger et réduire votre ville en cendres; demandez-lui qui vous affamait et vous empoisonnait depuis si longtemps; demandez-lui quel avis salutaire il vous a donné des préparatifs de l'évasion de la famiile royale à Metz; demandez-lui qui accapare aujourd'hui tout votre numéraire, après avoir accaparé tous vos grains; puis voyez son silence, et jugez sa vertu.

Vous m'invitez à quitter le titre d'Ami du Peuple : c'est tout au plus ce que pourraient faire nos plus cruels ennemis. Comment une demande aussi indiscrète a-t-elle pu vous échapper? En le prenant, ce beau titre, je n’ai consulté que mon cœur : mais j'ai travaillé à le mériter par mon