La correspondance de Marat

LA CORRESPONDANCE DE MARAT 445

de retour dans sa patrie, ils’empresse de vous faire passer ses observations : elles vous paraïîtront peu soignées, il le sait; mais eHes n’en seront pas moins utiles, si elles peuvent contribuer à faire triompher la cause de la nation.

Désolés de toujours voir échouer leurs attentats contre la patrie, ces lâches ennemis sont déterminés à la livrer aux horreurs de la guerre. Oui, j'ose le dire, les hostilités de l'Espagne contre l'Angleterre sont un coup de parti des ennemis de la révolution française, conjurés pour l'anéantir. Le moyen d’en douter, quand on considère combien peu les forces maritimes des Espagnols sont en état de résister aux forces maritimes des Anglais! Quelle apparence que le cabinet de Madrid soit assez dépourvu de sens pour s’attirer sur les bras d’aussi redoutables ennemis, s’il n’y était déterminé par les motifs les plus pressants. Permettez, Monsieur, que je vous engage à jeter ici un coup d'œil sur la chaine des intérêts divers qui se sont réunis pour amener cette rupture inattendue.

Qui doute que les princes de l’Europe entière ne forment des vœux ardents contre le succès de la révolution ? Le gouvernement espagnol, en particulier, la redoute comme un exemple contagieux. Or, quelle influence n’ont pas dû avoir sur lui les promesses de nos ministres, les sollicitations de nos aristocrates, toujours à l'affût de ce qu’ils croient pouvoir opérer une contre-révolution! Disons même que le cabinet de Saint-James a dû y donner volontiers les mains. À l'accueil que Georges IIT fait au sieur de Calonne et aux autres fugitifs de cette trempe, n'est-il pas évident qu’il approuve leur conduite? Aux efforts qu’a faits M. Pitt pour empècher la Chambre des communes d’imiter l'Assemblée nationale, n'est-il pas clair qu’il voit avec peine ses glorieux travaux? Et l'aristocratie anglaise, ayant à redouter un jour la perte de ses prérogatives, peut-elle voir avec plaisir nos succès ?

Voilà des faits qu'aucun penseur ne s'avisera de contester ; mais je puis avancer, avec non moins de certitude,

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