La correspondance de Marat

446 LA CORRESPONDANCE DE MARAT

que presque tous les Anglais sont enchantés de nos combats contre le pouvoir absolu ; que chez eux le mépris a fait place à l'estime; qu'ils font des vœux pour nos succès ; qu'ils sont disposés à nous aider à écraser nos ennemis, comme ils ont aidé les Américains à rompre leurs fers ; qu'en Angleterre, plus que partout ailleurs, lopinion publique enchaïne le ministère, et qu'il serait forcé de la respecter, s'il avait la sottise de se décider contre nous. Ce ne sont pas là des conjectures, mais des assurances positives données à l’Ami du Peuple au milieu des mêmes sociétés patriotiques où il fut témoin, en 1176, des secours d'hommes et d'argent envoyés à Boston et à Philadelphie. Mais, dira-t-on, la France est obligée, par le pacte de famille, de fournir des subsides à l'Espagne. La France ? dites plutôt le gouvernement, ou, si vous voulez, le prince. Quant à la nation, devenue libre et souveraine, ce traité ne peut point la lier ; il ne la regarde plus. Ira-t-elle donc, pour le maintenir, appuyer follement des malversations ministérielles, et s'engager dans une guerre désastreuse qui achèverait de ruiner ses finances et de consommer sa perte ? Où en serions-nous, grands Dieux ! si nous avions l'imprudence de permettre à nos ministres de faire des rassemblements de troupes, et à tous les mécontents de se joindre à nos ennemis ; si nous avions la folie de nous surcharger de nouveaux impôts, pour payer les chaînes dontils veulent nous accabler ; si nous avions la sottise de souffrir qu'ils portent notre attention des affaires de la patrie sur les événements d’une guerre insensée ; s'ils réussissaient à nous donner le change ; s’ils parvenaient à nous amuser avec des gazettes étrangères, comme des enfants ? Laissons, laissons les Espagnols se débattre contre les Anglais; ils ont provoqué la guerre, qu'ils s’en tirent comme ils le pourront; que nous fait le pacte de famille, la perte de l'alliance de l'Espagne? Notre grande, notre unique affaire est de nous donner une constitution libre et sage, d'établir notre liberté, d'assurer notre bonheur. Le