La France sous le Consulat

120 LA FRANCE SOUS LE CONSULAT

confiant aux municipalités le soin de confectionner les rôles des contributions avait donné naissance à des abus et à des retards aussi funestes au public qu'aux particuliers. Le 20 brumaire an VIIT (11 novembre 1799), il restait à établir trente-cinq mille rôles pour l'an VII, quand ceux de l'an VIIT auraient déjà dû être en recouvrement. Au commencement de l’an IX l’arriéré des années antérieures était de 400 millions *. Le crédit au moyen duquel l'Etat essayait de se soutenir était ruiné. L'argent ayant presque complètement disparu depuis longtemps, les différents papiers-monnaie émis par le Directoire pour remplacer les asSignats, mandats territoriaux, bons des deux tiers, délégations remises aux fournisseurs sur les rentrées futures, elc., dépréciés dès leur émission, finissaient par avoir Juste la valeur d'un morceau de papier imprimé. L'Etat n'avait donc pour vivre que les pires expédients. Depuis la campagne d'Italie de 1796, les pays occupés par nos armées avaient alimenté le trésor public. Mais nos revers à la fin de 1798 et au commencement de 1799 avaient tari aussi cette source. Le Directoire aux abois avait frappé les citoyens aisés d'un emprunt forcé et progressif de 100 millions (lois du 28 juin et du 6 août 1799). Comme il arrive d'ordinaire en pareil cas, les résultats obtenus avaient été hors de toute proportion avec la rigueur et l’iniquité de la mesure, La pénurie en vint à un tel point que le gouvernement dût saisir une fois la recette de l'Opéra pour pouvoir expédier un courrier urgent. Le Directoire n’en continuait pas moins à délivrer chaque jour des mandats de paiement pour des millions. Ces mandats étaient négociés à la Bourse et passaient de mains en mains aux hasards de l’agiotage : leurs porteurs « puisaient eux-mêmes directement dans les caisses des receveurs au fur et à mesure des rentrées ?. » Ainsi,

1. Edmond Blanc, Napoléon Ie et ses instilulions, p. 126. 2. Napoléon, Fragment sur les Consuls provisoires.