La France sous le Consulat

184 LA FRANCE SOUS LE CONSULAT

Ces précautions montrent quelle puissance Bonaparte attribuait à la presse. Aussi, tout en la redoutant et en l’asservissant, s'en sert-il lui-même pour agir à son gré sur l'opinion publique. Dans la polémique entre la presse anglaise et la presse française, maint article du Moniteur est inspiré, voire dicté, par le Premier Consul. Ailleurs, ce sont des articles qu'il commande pour « tourner en ridicule les gobe-mouches étrangers, qui répandent des bruits absurdes, tous fondés sur le bulletin d’un petit escroc qui n'avait pas de quoi diner et qui les a dupés t », et « les porteurs de fausses nouvelles, d'autant plus bêtes qu'ils font prendre par des vaisseaux un régiment de hussards ? »; — ou un numéro spécial dans lequel le citoyen Beauvoisin, écrivain à gages et espion en Angleterre, « mettra tout cequ'il sait sur Pichegru et Willot, sur la vie obscure que mènent les princes qui sont en Angleterre », et qu'il « dirigera contré Pitt, Grenville, Windham et la cour * » : — ou des Lettres d’un envoyé à la Diète germanique, datées de Francfort, imprimées sur papier allemand et en caractères allemands * ; ou enfin, une caricature représentant le ministre Thugut entre le doge de Venise et un directeur Cisalpin, et montrant « qu’il dépouille lun en conséquence du traité de Campo-Formio, et emprisonne l'autre parce qu'il ne reconnaît pas le traité de CampoFormio *. » Ces mesures relatives à la presse sous le Consulat ne sont que le prélude de celles qu'allait prendre l'Empire, qui rétablit la censure, diminuale nombre des imprimeurs et des libraires, les obligea à prendre un brevet et à prêter le serment de fidélité, réduisit le nombre des journaux « s'oceupant de nouvelles politiques » à quatre journaux quotidiens pour Paris, et à un seul par département, et considéra la profession de journaliste comme « une fonction publique. » . Corr., t. VII, à Cambacérès et Lebrun, 22 janvier 1803.

. Corr., t. IX, à Regnier, 30 octobre 1803. . Corr., t. VIII, 4 décembre 1802.

. Corr., t. VI, 4 juillet 1800, à Talleyrand. . Ibid., id.

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