La France sous le Consulat

SALONS POLITIQUES | 219

que des paroles généreuses ou spirituelles, dont la portée ne dépassaitguère les murs du salon où elles étaient prononcées. Bonaparte en prit ombrage. Il n’aimait pas qu’on parlàtde lui et de son gouvernement ; M" de Staël lui était antipathique. I voulut qu'elle se tût : c'était exiger l'impossible. Un ordre de s’éloigner à quarante lieues de Paris ferma son salon en octobre 1803 et lui ouvrit, pour de longues années, la route de l'exil. — Auprès de cette sorte de tribune éclatante et sonore, les salons royalistes du duc de Fitz-James, de M” Lameth, de la duchesse d’Aïguillon, de M*° de Viennois, ne sont que de petites coteries où l’on aiguise d’inoffensives épigrammes, où l’on prend ses illusions et ses espérances pour des réalités, où l’on invente et où l’on colporte des nouvelles mensongères.

Deux salons, d’où la politique était exclue, ont joué un rôle considérable dans le rapprochement des partis et la fusion de l’ancienne et de la nouvelle société, celui de M" de Montesson et celui de M*° de Récamier. M"° de Montesson, veuve du due d'Orléans, déjà âgée, était un modèle accompli de la grande dame de l’ancien régime, excellant à recevoir et à diriger la conversation avec un tact exquis. Bonaparte la fit venir. « Je serai charmé, lui dit-il, de vous être utile, mais aussi Je compte sur vous. Le ton de la bonne compagnie est à peu près perdu en France ; il faut qu'il se retrouve chez vous. J’aurai besoin de quelques traditions : vous voudrez bien les donner à ma femme; et, lorsque quelque étranger de marque viendra à Paris, vous lui offrirez des fêtes pour qu'il soit convaincu que nulle part, on ne peut avoir plus de grâce et d’ambilité. » Il lui rendit les 160.000 francs de pension que lui avait donnés le duc d'Orléans. Ses diners du mercredi réunissaient les étrangers de distinction de passage à Paris, les émigrés rentrés, les grands seigneurs restés en France, les parvenus, les hommes célèbres dans tous les genres. — L'hôtel de M*° Récamier, femme d’un