La France sous le Consulat

DISPARITION DE LA POLITESSE 227

fice. Ce n'était pas la société du Directoire qui était capable de le relever, avec ses agioteurs et ses fournisseurs aux manières de brutes et à la politesse de crocheteurs, avec leurs femmes habillées et parées somptueusement, mais n'ayant même pas l'éducation des filles de modes ou des femmes de chambre de l’ancien temps; ce n'était pas, non plus, la cour militaire du Premier Consul, où l'on voyait, suivant le mot de Talleyrand, des gens qui ne savaient pas marcher sur un parquet ciré, des femmes de militaires, d'origine obscure, gauches, et ne payant pas de mine, des généraux plutôt bien dressés que bien élevés. Tous les observateurs de la société vers 1800 sont unanimes à constater que le peuple français a « presque perdu, dans la lutte des partis », sa première urbanité ; que « le manque de décence, qui ôte toujours du charme, surtout aux femmes, donnait à leur maintien et à leur tournure une véritable disgrâce ». Legouvé, dans la préface de son poème du Mérite des Femmes paru en 1800, fait appel aux femmes qui « sauront nous rendre les grâces, l’affabilité qui étaient un de nos traits distinctifs, et recréer, pour ainsi dire, cette nation que tant de troubles, de forfaits et de malheurs ont jetée hors de son caractère ». Le rétablissement de la politesse vint de différents côtés: de la rentrée en France de l’ancienne société et de la réouverture de ses salons qui, fermés aux femmes du Directoire, rejetèrent celles-ci dans le monde de la Chaussée-d’Antin ; — des efforts de la bourgeoisie, qui protesta contre la licence, la grossièreté et l'ignorance du Directoire; — de la volonté de Bonaparte, qui confia à M"° Campan, ancienne lectrice de Marie-Antoinette, l'éducation de sa belle-fille Hortense Beauharnais, en attendant qu'il fitappel à ses souvenirs de la cour de Louis XVI pour fixer l'étiquette de sa cour impériale ; et qui ordonna à ses ministres et à ses fonctionnaires de donner des fêtes pour renouer « les habitudes de la vie sociale... amener ceux qui la savaient à venir s'y replacer, et