La France sous le Consulat

BONAPARTE ET L'OPPOSITION 63

sur le rétablissement de la marque pour les condamnés. Ces critiques exaspérèrent Bonaparte. Le Message, qui annonçait au Corps législatif le retrait des deux projets de loi, disait que c'était avec peine que le gouvernement se trouvait « obligé de remettre à une autre époque les lois attendues avec tant d'intérêt par la nation, » mais qu'il était convaincu «que le temps n'était pas venu où l’on portera dans ces grandes discussions le calme et l'unité d’intentions qu’elles demandent! ». Auparavant, à l'occasion d'un discours de Guinguené contre la création des tribunaux spéciaux, le Premier Consul avait exhalé sa colère publiquement dans les termes les plus outrageants : « Guinguené, s'était-il écrié en recevant une députation du Sénat, nous à donné le coup de pied de l’äne ! Ils sont là douze ou quinze métaphysiciens bons à jeter à l’eau. C’est une vermine que j'ai sur mes habits; mais je ne me laisserai pas attaquer comme Louis XVI; non, je ne le souffrirai pas! » L'opinion publique était avec le pouvoir exécutif contre le pouvoir législatif, et Bonaparte pouvait écrire de Lyon, où il était allé régler la constitution de la République cisalpine : « l’indignation est générale en France contre la mauvaise conduite du Tribunat”* ».

Si la constitution lui avait donné le droit de dissolution, sans aucun doute il aurait dissous alors les deux assemblées récalcitrantes. Mais l’article 38 de la constitution portait que le Tribunat et le Corps législatif seraient renouvelés tous les ans par cinquième 3 à partir de l'an X. Cambacérès trouva un biais qui permit de se débarrasser des opposants les plus marquants. Comme la constitution ne disait pas par quel moyen on procéderait au renouvellement des assemblées, il imagina, au lieu de s’en rapporter au sort, de faire désigner par le Sénat, les membres du Tribunat et

1. Message au Corps législatif, ? janvier 1802. Correspondunce, tome VII. 2. A Cambacérès, 13 janvier 1802. Correspondance, tome VII. 3. Soit 20 tribuns et 60 législateurs.