La France sous le Consulat

ÉLOGE DE WASHINGTON 65

par le dévouement et la sagesse de Washington, ce sont les purs héros des premières guerres de la Révolution qu’il semble prendre pour modèles. Après son installation aux Tuileries, parmi les statues qu'il fait placer dans la grande galerie, figurent celles de Démosthène,- Brutus, Cicéron, Caton, Washington, . Dugommier, Dampierre, Marceau, Joubert. À la nouvelle de la mort de Washington, ilordonne un deuil de dix jours aux troupes de la République : « Washington est mort, dit-il dans son ordre du jour. Le grand homme s’éstbattu contre la tyrannie. Il a consolidé la liberté de sa patrie. Sa mémoire sera toujours chère au peuple français comme à tous les hommes libres des deux mondes, et spécialement aux soldats français qui, comme lui et les soldats américains, se battent pour l'égalité et la liberté ! ». Il est vrai que, dans l'éloge funèbre qui fut prononcé au Temple de Mars (les Invalides) par Fontanes, Île disert panégyriste du nouveau régime, tout en couvrant de fleurs le héros américain, n'eut garde d'omettre des atténuations et des restrictions destinées à rehausser un émule dont la comparaison sous entendue se trahissait d’un bout à l’autre de son discours. « Washington, disait-il, n'eut pas ces traits fiers et imposants qui frappent tous les esprits; il montra plus d'ordre et de justesse que de force et d'élévation dans les idées. » Bonaparte, tout en donnantle change sur le véritable objet de son ambition, ne prenait pas un moindre soin d’écarter des esprits toute idée de despotisme militaire. Il s'en expliqua, un jour, avec force au Conseil d'État : « Dans tous les pays, dit-il, la force cède aux qualités civiles. Les baïonnettes se baissent devant le prêtre qui parle au nom du ciel et devant l’homme quis’'impose par sa science: J'ai prédit à des militaires qui avaient quelques scrupules que jamais le gouvernement militaire ne prendrait en France, à moins que la nation ne fût abrutie par cin1. Ordre du jour du 7 février 1800. Correspondance, t. VI.