La France sous le Consulat

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vice à l'Angleterre au mois de janvier 1804, qu'il avait proposé au gouvernement anglais de fôrmer un corps franc avec les mécontents d'Alsace et des garnisons voisines, qu'il entretenait des intelligences en Alsace, bref qu'il se servait de la guerre civile et de la guerre étrangère pour le triomphe de sa cause. Ainsi, les charges contre lui se réduisaient à celle d’être un émigré qui s’était allié à l’étranger pour porter les armes contre la République française et d’être prêt à le faire encore, mais cet émigré était couvert par la neutralité du territoire étranger où il avait été saisi. Ces preuves et ces considérations ne changèrent pas la résolution de Bonaparte : la mort du duc d'Enghien avait été résolue par lui en même temps que son arrestation ; c’est l'impression de tous ceux qui l'approchèrent dans le temps qui s'écoula entre l'arrestation et l'exécution ; c’est ce qui ressort de ses actes et de ses propres paroles’. Dans la soirée du 18 mars, il répondit aux instances réitérées de Joséphine, qui le conjurait d’épargner la vie du prince: « Les femmes doivent demeurer étrangères à ces sortes d’affaires. Ma politique demande ce coup d'Etat. J'acquerrai par là le droit de me rendre clément dans la suite... En politique, une mort qui doit donner du repos n’est pas un crime; les ordres sont donnés ; il n’y a plus à reculer. » Avant même de connaître les circonstances de l’arrestation, il avait désigné le château de Vincennes comme lieu de détention du prince, et le général Hulin pour présider la commission militaire devant laquelle devait paraître le duc. Le 19 mars, pendant que le prisonnier était en route pour Paris, il envoya les papiers d'Ettenheim au conseiller d'Etat Réal chargé de son interrogatoire, en lui recommandant de ne parler à personne «du plus ou moins de charges » qu'ils contenaient. Il manda dans la soirée à la Malmaison les généraux Hulin, Murat gouverneur de Paris, et Savary son homme de main.

1. Sorel, Loc. cit.