"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

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CHAPITRE VI.

nium de Philothée O’Neddy (Théophile Dondey), Pétrus Borel exalte les anciens jours où il faisait bon vivre, Lorsqu’on avait des flots de lave dans le sang, Du vampirisme à l’œil, des volontés au flanc 1 ! Dans le grand manifeste romantique qu’est la préface de Cromwell, la chose fut sanctionnée comme faisant partie du fameux grotesque : Les naïades charnues, les robustes tritons, les zéphyres libertins ont-ils la fluidité diaphane de nos ondins et de nos sylphides ? N’estce pas parce que l’imagination moderne sait faire rôder hideusement dans nos cimetières les vampires, les ogres, les aulnes, les psylles, les goules, les brucolaques, les aspioles, qu’elle peut donner à ses fées cette forme incorporelle, cette pureté d’essence dont approchent si peu les nymphes païennes 2 ? Ceci est d’autant plus significatif que Victor Hugo, six ans avant cette préface, traitait le Vampire de Nodier de pièce « dégoûtante ». Goethe, qui s’intéressait vivement à la littérature française de cette époque, jugea sévèrement cette « direction ultra-romantique » qui se manifestait chez « quelques talents remarquables », direction dont il est lui-même jusqu’à un certain point responsable, car plusieurs de ses ballades de ce genre furent célébrées en France en ce temps-là. Voici ce qu’il disait à son « fidèle Eckermann » : Dans aucune révolution il n’est possible d’éviter les excès. Dans les révolutions politiques, ordinairement, on ne veut d’abord que détruire quelques abus, mais avant que l’on ne s’en soit aperçu, on est déjà plongé dans les massacres et dans les horreurs. Les Français, dans leur révolution littéraire actuelle, ne demandaient rien autre chose qu’une forme plus libre, mais ils ne se sont pas arrêtés là, ils

1 Ph. O’Neddy, Feu et Flamme, poésies, Paris, 1833. 2 M. Sourïàu, La Préface de « Cromwell » {lntroduction, texte et notes), Paris, 1897, pp. 204-206.