"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

LE MERVEILLEUX DANS « LA GUZLA ».

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que rouge; mais je ne sais si ce n’était pas un signe naturel, ou si quelque insecte ne l’avait pas mordue... » Il y a là un cas pathologique qui intéresse au plus haut point Mérimée, curieux observateur de pareils phénomènes. Dès lors c’est en docteur, en psychologue, qu’il va étudier les effets de cette maladie singulière : mais aussi en artiste, car il saura nous rendre palpables tous les progrès de cette étrange affection. Et d’abord, il lui faut établir que certains peuples croient sincèrement à l’existence des vampires: un tableau d’un réalisme saisissant,habilement amené par quelques phrases de transition, convaincra l’incrédule qu’il existe bien réellement des vampires, sinon en vérité, du moins dans l’imagination de certaines gens. « La mère avait vu le vampire de ses yeux et l’avait bien reconnu. » Suit une scène de sauvagerie, la plus horrible qu’on puisse imaginer, et qui étonne chez des peuples qui ont cependant le respect de la mort; mais la superstition ne connaît pointée mesures. Ce crâne fracassé à coups de fusil, ce cadavre déchiqueté par la morsure des hanzars, ce liquide rougeâtre qu’on recueille sur des linges blancs pour servir de compresses aux épaules delà pauvre Khava: Mérimée accumule tant de détails repoussants et dégoûtants qu’on est bien forcé de convenir que ce n’est pas chose ordinaire qu’une maladie où il faut employer des remèdes de cette nature. Il y aune telle précision dans le récit, l’auteur donne tant d’indications-circonstanciées sur tout ce qui s’estpassé, à ce qu’il dit, sous ses yeux, qu’on a peine âne pas l’en croire sur parole et qu’il réussit bien mieux que ne l’avaient su faire dom Calmet, Chaumette-Desfossés et Fortis, à nous initier à ce qu’est véritablement le vampirisme: abominable et effrayante superstition dont il va nous dire tous les effets funestes. Comme un médecin